dimanche 5 janvier 2014

DELETE TOUR 13

N°6


Delete Tour 13 !

by Henri KALA-LOBÈ

La Tour 13 n'est plus . Infernal... ça sonne  comme un mauvais Delenda est Carthago. Carnage á gogo ! Comme si un squat artistique d'avant ne pouvait arriver dans toute sa fraicheur à l'avènement du Grand Paris !

Le dernier squat artistique du Petit Paris-intra muros a rendu l'âme, non loin de la bibal François Mitterrand! Le coin était  connu pour ses squats artistiques, notamment la longue vie du "Frigo", endroit phare pour les péniches du coin, qui donna un lustre á ces lieux dégarnis et déserts de Paris. Ce qui allait favoriser spéculation immobilière et boboïsation du coin (allo maman bobo, à Bobodiolasso...)

Il y eut, jadis, une grande mode des squats, début  80's. Cela partait d'une louable attitude militante,  anticapitalisme immobilier (saupoudrée de fumette artisanale "Legalize it!"),facilitée par une disposition législative citoyenne et solidaire (comme on dit maintenant). A savoir : toute personne qui réussissait à faire installer- légalement- un compteur, par EDF, en un lieu d'habitation abandonné, inoccupé, sans  électricité ni eau courante, se trouva de facto en mesure d'habiter et occuper lesdits lieux. Sans être dans l'illégalité...

Des familles entières de nobles prolos de tout pays accédèrent ainsi à un logement plus ou moins durable. De plus, le propriétaire -de l'appart squatté- ne pouvait que valider cette occupation fortuite, non forcée, tant la puissance publique pouvait lui reprocher sa négligence quant à la gestion du fructus de son droit de propriété.

Vinrent les grandes manœuvres immobilières, prélude au Grand Paris, qui nécessitèrent des mouvements de population, plutôt que de foule...

Ainsi l'îlot Chalon (extension de la Gare TGV de Lyon) surnommé alors par la presse "de ghetto parisien de la drogue" ou " de cancer urbain de la drogue", tant "la massification de l´héroïne" y était patente. L´îlot arrivait en pool position avant la "rue de la drogue", á Belleville, les passages de la rue du Faubourg Montmartre, ou la Goutte d´Or, et plus tard la Rotonde, á Jaurés, haut lieu parisien de crack. En passant, l´îlot Chalon fut le premier Chinatown de Paris, á base de salle de ma-jong et fumeries d´opium, puis devint arabe, pour finir noir ; c´était le quartier de Paris qui comptait le plus d´étranger, dans les 70´s.

La radiale ou axiale Raymond Losserand, squat de 1977 ; il était encore question de squat alternatif ou autonome..., François Mitterrand le visitera même, avant 81.

 Une ancienne maoïste, qui y vécut une année et proche de tous les mouvements d´extrême gauche vé-ner (genre Fraction Armée Rouge et j´en passe), avouera être partie á cause de la drogue, allant même jusqu´á soupçonner :
" la stratégie que la police avait adopté, était de pourrir  les squats. Je me demande même si certaines personnes n´étaient pas introduites.". Q: "Avec la drogue?". R: " Oui, avec la drogue. Et en fait, tous les squats ont été coulés comme çà.".

La rue -devenue avenue- des Flandres (entre les métros Crimée et Corentin Cariou), le plus dense : plus de 700 squatters dealers, majoritairement de couleur nés basanés...
A la différence des squats "politiquement corrects", comme ceux de la rue de l´Ourcq, rue la Grange-aux-Belles avec convention d´occupation signé avec la mairie du 10éme.

On parlait alors et déjà de la crise du logement... Plus de 110 000 logements étaient  inoccupés, en 1983, selon l´INSEE...

L'expropriation -pour cause d'utilité publique- répond à une procédure des plus strictes à respecter, pour la puissance publique, sous peine de nullité. Ainsi, les riverains peuvent se constituer en association pour en contester le bien fondé (de l'expropriation, donc de la puissance publique...).

Et c'est là qu'il y eut perversion et détournement de l'esprit du squat (comme une Squaw á qui on aurait enlevé son papoose pour le sortir de l´état sauvage). Ce fut le passage du legalize it artisanal, au deal industriel de droit commun communément prohibé.

Du jour au lendemain, ces lieux à raser pour cause d'utilité publique -contestée par des associations de riverains qui toléraient ces squatters bien pensants (nobles prolos) et ceux idéologiquement corrects (du legalize it)- furent soudainement et massivement envahis par une horde sauvage, faune interlope et multicolore, qui allait sceller le socle idéologique du squattage á tout âge -sur base légale-, en la transformant en deal de droit commun, interdit.

Comme le legalize it. S'ensuivirent bagarres, over doses, règlements de compte, balance, viols, vices du comportement les plus déjantés les uns que les autres qui ne rendaient plus du tout ces lieux enchantés. Insalubrité, insécurité, délinquance dynamique...

C´en était assez pour faire fi des légitimes revendications des associations de riverains. Delenda est Carthago ! C´est ainsi que tombèrent les grands squats artistiques : (l´Hôpital Éphémère, á Pigalle ; la Tiag d´or, á L´Hay-les-Roses (?); cet autre squat rue de Rivoli etc... etc...), tant les artistes -artisans du "legalize it"- se firent fumer par les dealers industriels, délinquants de droit commun.Tous les squats, par la suite, ne furent que des lieux de deal.
 Et ce, quelque soit le tié-quar, Goutte d´Or ou ailleurs. Ainsi ce squat en face du Palais Brognard, en mood techno-exta´.

Mais les squats les plus surprenants furent ceux de la rue de l´île Saint Louis... Hé oui ! Un de ces squats fut fermé, parce que l´école primaire mitoyenne vit sa cour de récré transformée en poubelle publique pour seringues, canettes et autres éléments fumatoires de toute sorte.

Le proprio de ces immeubles, héritier descendant de fortune faite dans les comptoirs coloniaux de la Traite des Traitres, se voulait atypique et anticonformiste. Sa dernière trouvaille ? Il refusait de louer ou de vendre. Mais toute personne qui réussissait á squatter ses appart´, en faisant installer un compteur -par EDF, avant que la police ne l´en empêche- avait sa bénédiction pour squatter, á titre gracieux, ses appartements...

Je me suis retrouvé á passer une nuit -á l´hôtel- dans un autre des immeubles de ce triste sire de la Coloniale, rue de l´île Saint Louis, dont la vénérable façade est classée... Hauts plafonds, multiples portes fenêtres, escaliers majestueux, cours carrées grandes comme des courts de tennis... Il s´agissait de dépanner un couple -mixte- d´amis et leurs enfants, qui habitaient deux petites chambres de bonnes exigües, même pas mitoyennes, á Saint-Ger´-Prés. Sauf que les 22 arrivèrent avant que les gus de EDF ne purent installer le fameux compteur sésame, prévenus par des grenouilles du bénitier de la délation.

Nous voilá embarqués dans le panier á salade, pour le commissariat du coin, vers les 14 heures, á des fins d´interview... Je tombe sur une rare inspectrice, au décolleté souverainement plongeant pour que je ne la regarde nulle part ailleurs que dans les yeux! L´interview dura plus d´une heure : ce fut pénible.
Le comble, c´est qu´en partant du commissariat, le panier nous raccompagna sur le site, montant la garde all night long, afin que nous ne puissions rameuter du renfort. Par la suite, nous eumes une conversation surréaliste avec les 22 ! De nous envier de pouvoir dormir lá (finalement, nous dormîmes dans un seul appart, au lieu de deux), ce que leur salaire ne leurs permettait pas. De nous préciser que squatter en la rue de l´île Saint Louis, était malaisé pour des nés basanés. Alors que dans le XVIéme, c´était plus aisé, vu le nombre d´apparts appartenant á des huiles africaines, trop sporadiquement occupés... les apparts et les huiles...

Pour en revenir á la Tour Treize, on aurait pu garder la déco des murs extérieurs, et réaménager l´intérieur en loft dupleix de grande classe, garder un semblant d´originalité et non d´uniformité architecturale douteuse. 

Delenda est Carthago ! Les Romains, pourtant mifigue-mi raisin au départ, finiront par raser Carthage. L´argument de Caton-l´Ancien avait fini par porter : une figue fraîche, au départ de Carthage, arrive toujours fraîche, á Rome. Il ne s´agit pas de figue, ici, mais d´une tentative d´approche d´art urbain populaire... Certes, tous les squats n´étaient pas politiquement corrects, mais... Paris -et sa multitude de musées- n´aurait rien perdu de ses charmes et attraits, á conserver quelques vrais squats artistiques, lieux de conte-culture, et résidence d´artistes.
Paris a toujours voulu se démarquer. Il y eu le périph, le refus du tram´. Paris était alors la seule ville de France et de Navarre á avoir un métro ("T´as de beaux tu sais ! Tu sens bon le métro"...). Now, it´s tramway ´Dezire time ! Et l´île de France de suivre...

L´un des derniers grands squats franciliens, non loin du RER Villeparisis,, est devenu un grand centre commercial. Aprés toutes les craintes -justifiées- sur la drogue, dont le traffic était organisé á des fins de spéculation immobiliéres. Comme toujours !

Pourtant, il y avait de l´effervescence dans l´air ! Désormais, même á 5 heures, Paris ne s´éveillle plus. Plus de frissons dans l´air, chacun ne fait plus ce qui lui plait. Paris dort, comme une rombiére arriviste et opportuniste qui, ayant abusée de virées culturelles limitées aux trois premiéres lettres du mot culture, veut s´la jouer rangée des voitures "like a virgin". Paris n´est même plus une Belle au bois dormant, á Vincennes ou á Boulogne.

Comme le squat artistique n´est plus de mode, place au squat bio-agriculture ? Allons y !
Vive le squat des Figues de Carthage ! Vive la France libre !                                                                                                              

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